– Françoise, as-tu passé la commande ?
– Oui, c’est bon. Mais il faudra que l’une d’entre nous aille la chercher.
– Aïe ! Ce restaurant n’est pas la porte à côté.
– Je sais, mais la dame est complètement saturée par des commandes et elle ne peut pas se déplacer. C’était à prendre ou à laisser. Et j’ai vraiment envie de manger ce plat de missounga (tripes de bœuf). Je vais m’en occuper. Ne te dérange pas.
– Tu es un amour.
Ma collègue vient me faire une bise sonore avant de s’éloigner en riant. Dès que l’heure de la pause sonne, 12h30 exactement, je quitte la société. Je prends un taxi et je vais chercher le repas. Contrairement à mon plan initial, je me retrouve à l’Hôtel Franco. Alain m’attend juste à l’entrée. Il me fait une accolade chaleureuse et m’embrasse. J’ai reçu son message juste lorsque j’entrais chez la restauratrice. Mon cœur a battu très fort et j’ai exulté de joie. Chaque moment que je passe avec lui est unique en son genre. Je ne peux les sacrifier pour rien au monde.
Alain me regarde amoureusement.
– J’ai cru que tu ne viendrais pas, dit-il.
– Tu sais que je n’ai pas tellement le temps en journée, dis-je d’une voix contrite, séduite par sa belle voix rauque.
– Viens ! Allons vite à la chambre. Je me languis réellement de toi.
La main dans mon dos, il me pousse vers les escaliers. Il rit comme un gamin tout fier de son nouveau jouet.
– Ils vont devoir m’attendre quelques temps.
À peine la porte de la chambre d’hôtel est refermée qu’il saute sur moi et m’embrasse partout. Il ouvre mon chemisier avec des gestes fébriles, caresse le tissu de mon soutien-gorge avec douceur, mais il empoigne mes seins avec fermeté. La langue mêlée à la mienne, il soulève ma jupe au-dessus de mes fesses et baisse mon string. Je sais qu’essayer de le freiner ne servirait à rien. C’est mon Alain. Il est comme ça. Je râle de plaisir lorsqu’il me pénètre. Mon front collé à cette porte, les seins balançant dans le vide, je subis la vigueur de ses envies qui sont heureusement partagées. J’aime cet homme. J’aime quand il me touche. J’aime quand il est en moi. C’est quelque chose d’inexplicable. C’est ma vie avec lui.
C’est avec douceur qu’il me prend dans ses bras et il me porte jusqu’au lit sur lequel il me pose. Les yeux dans les yeux, nous sourions. Mes doigts se posent sur sa poitrine. C’est avec un réel plaisir que j’ai ouvert chaque bouton de sa chemise, que j’ai glissé mes doigts sous son sous-vêtement, que ces doigts se sont faufilés à travers les poils qui recouvrent ses pectoraux. J’aime son corps. J’aime en fait tout en lui.
Il écarte mes cuisses, attrape son membre et me pénètre avec lenteur. Il sait combien j’aime cela. Je râle et je jouis d’un seul coup. Il attrape ma nuque et m’embrasse avec force. Ses coups de boutoir gagnent en vigueur et la jouissance n’en est que plus majestueuse.
– Il faut que j’y aille.
Je n’aime pas dire cette phrase. Mais il faut bien que l’un d’entre nous rappelle l’autre à la réalité. Nous remettons de l’ordre dans nos tenues et nous quittons la chambre, bavardant avec bonne humeur. Je lui rappelle un message que je lui ai envoyé le matin et il acquiesce.
– Panganlan ! J’ai attrapé !
Le cri hystérique de femme nous surprend tous les deux au point où nous sursautons en nous retournant. Elle marche rapidement vers nous. Elle bouscule Alain et plonge aussitôt sur moi. Son visage m’est vaguement connu.
– Imbécile ! Sorcière ! Ivou en string ! Tu vas me sentir aujourd’hui !
Alain sous le choc demeure d’abord stoïque. Les calculs se font rapidement dans ma tête et les pièces du puzzle reprennent leur place.
– Les séminaires que l’on tient dans les chambres d’hôtel ! Aujourd’hui, ça va se savoir.
Je me rends compte que la situation risque de vite déraper et Alain ne va pas intervenir. Je repousse la femme vers le mur et je me mets à courir vers l’escalier. Le temps qu’elle prend à engueuler Alain me donne une marge d’action. Je parviens à quitter rapidement l’hôtel et je plonge dans le premier taxi qui se gare devant moi. Mon cœur bat très vite et je suis en sueur lorsque j’atteins le bureau.
– Depuis que je t’attends ? s’exclame ma collègue, agacée.
– Je… Je…
Elle me lance un regard interrogateur, puis elle tchipe longuement. Je prends un peu de temps pour reprendre mon souffle.
– Je… J’ai eu un souci en venant. J’ai failli me faire agresser, désolée.
– Agresser ? demande-t-elle aussitôt en sursautant. Elle se lève prestement de son siège et vient vers moi.
Son regard se balade sur moi alors que je tamponne d’un mouchoir jetable mon front, tout en veillant à ne pas bousiller le maquillage que j’ai pris le soin de reposer avant de quitter l’hôtel.
– Ce n’est rien de grave, dis-je, plus calme. Je vais gérer.
– Super. Où est ma bouffe alors ?
Je me rends seulement compte que dans mon empressement, j’ai laissé le sachet contenant les repas quelque part. L’ai-je seulement pris au restaurant ? Je n’en sais rien. Je l’ai échappé belle.
– Désolée, nous allons devoir chercher un plan B. Des clients sont-ils venus me voir durant mon absence ?
– Eh Françoise ! Tu n’as pas besoin de me rappeler que tu es la patronne et moi la secrétaire ici, pour me remettre à ma place. Ce n’est pas très gentil, ce que tu fais.
– Ne m’en veux pas, je t’en supplie. Je te promets que je vais me racheter.
– Si tu le dis, je te prends au mot. Le directeur général de la micro-finance qui a appelé le matin va passer te voir tout à l’heure. Je m’empresse d’aller nous chercher à manger. D’accord ?
– Merci. Tu nous sauves la vie.
Mon sourire s’efface aussitôt qu’elle quitte la pièce. Je pousse un long soupir et je ferme les yeux en tendant mes pieds en dessous de la table de mon bureau. J’ai horreur de cette pression. J’ai horreur de courir. J’ai horreur de cette partie de ma vie.
*
**
J’essuie le plat avant de le ranger dans l’armoire. Des bruits de pas me font tourner la tête. Alain entre dans la cuisine et vient poser un baiser dans le creux de mon cou.
– Tout va bien, mon amour ?
– Oui, ça va.
Alors que sur mes lèvres brûle ce sujet qui me préoccupe tant, je suis obligée de garder le silence pour conserver cette harmonie qu’il y a entre nous. Je finis de ranger la vaisselle et je le retrouve au salon un peu plus tard, assis devant la télé. Il me prend dans ses bras et je me serre contre lui.
– Je sais que tu es inquiète, mais ça va aller.
La voix tremblante d’Alain traduit son malaise. Il a bien joué son jeu depuis hier et n’a rien laissé transparaître. J’ai cru avoir été la seule que l’incident de l’autre jour a chamboulée.
– Je n’ai rien dit.
– Et c’est pour ça que je t’aime, commente-t-il en déposant un baiser sur mon front.
Il se tourne et continue à regarder la télévision. C’est un dimanche normal, passé chez moi, dans mon salon. Alors qu’il est censé être en train de surveiller un chantier hors de la ville. Ce n’est pas très grave. Pour moi, il veille sur le plus beau chantier de notre vie : notre couple.
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