Je sors de la douche en séchant mes cheveux avec la petite serviette. Barbra discute avec Maureen. J’attends que cette dernière quitte la pièce pour penser à chercher de quoi me vêtir. J’ai encore du mal à ce jour à gérer mon quotidien avec les apparitions constantes des enfants dans notre chambre. Je ne compte plus le nombre de fois où ils nous ont surpris dans des positions compromettantes. Tout a été chamboulé pour ne pas traumatiser leurs yeux d’enfants. Comme en ce moment où ma femme est si belle et attirante dans sa nuisette rouge si légère que je peux deviner – et même dessiner.
– Tu es si belle.
Barbra lève la tête vers moi et me sourit. Je vais vers elle et je prends ses lèvres. Ce baiser volé est le tout premier que nous échangeons de la journée. Et le désir est très fort. Je caresse son dos. Mes mains ne peuvent s’empêcher de rejoindre sa poitrine que je caresse lentement. Barbra se détache lentement.
– Non, Max. Pas maintenant. Les enfants !
– Je sais ! Les enfants. Toujours les enfants.
Je me détourne pour prendre mon slip et l’enfiler.
– Chéri, es-tu fâché ?
– Ne vois-tu pas comment je saute de joie ? je réponds sur un ton sarcastique, le regard dans le miroir qui rencontre le sien, étonné. Je bous de joie de devoir chaque fois refreiner mes envies de toi. C’est épuisant à la longue.
– Que dois-je faire ? Te laisser me faire l’amour à 19h en sachant que les enfants gambadent encore à travers la maison ?
– C’est toi qui leur permets une telle liberté ! Tu pouvais leur apprendre les bonnes manières, leur faire comprendre que cette chambre n’est pas la suite des leurs, qu’ils doivent savoir que c’est notre chambre.
– Ce sont aussi nos enfants. C’est leur maison. Tu as dit que tu ne voulais pas qu’ils aient l’impression d’être réprimés. Je ne fais que ce que tu veux.
– Eh beh, je ne veux plus qu’ils trainent tout le temps ici. Nous faisons déjà assez avec eux. Permets-nous d’avoir un peu d’intimité.
– Je vais essayer, mais…
– S’il te plaît ! Je n’ai pas la tête à me disputer ce soir. Pour une fois, fais juste ce que je te demande. Ok ?
Sans attendre sa réponse, je prends mes vêtements et je les emporte dans la douche. La musique joue encore dans la pièce. Dès que j’ai terminé, je sors directement pour quitter la chambre. Je vais dans le bureau qui est fermé à clé à cause des enfants. Je referme la porte soigneusement derrière moi. C’est le seul endroit de la maison qui est à moi seul. Je peux y avoir du calme… Même si cela ne dure jamais. Installé dans le sofa, je surfe sur ma Tablet en regardant les dernières infos sport. Des coups sont frappés sur la porte, glas de la fin de ma quiétude.
– À table.
C’est Mabelle qui est porteuse de ce message. Je rejoins ma famille qui est installée dans la salle à manger. Ça bavarde beaucoup autour de la table. Je les écoute d’une oreille distraite en vidant le plat que Barbra se charge de remplir. Quand ma panse signale qu’elle est assez pleine de viande, je prends la bouteille de bière que me tend Mabelle et je quitte la table pour le salon. C’est l’heure du coucher ; je peux donc souffler pendant que les deux femmes s’occupent des trois enfants : Aymar Laric, Joy Maureen et Pierre-Etienne alias Piti. À moi la télévision. Le temps passe lentement alors que je profite de ma soirée. Barbra me rejoint brièvement, puis s’en va se coucher. Je la retrouve une heure plus tard occupée avec son téléphone.
– Tu ne dors pas ?
– Non.
Elle tape rapidement sur le clavier, puis éteint le téléphone avant de s’étirer.
– Je suis fatiguée.
– Dors donc.
– Je vais le faire. Je t’attendais.
– Pourquoi ?
– Je voulais te dire un truc important ce soir, sinon je vais encore oublier. Tu iras en Italie avec Samantha. Je ne pourrai pas faire le déplacement. J’ai trop à faire pour cela.
– Qu’est-ce que ça veut dire ?
– S’il te plaît, Max, dit-elle avec une voix de petite fille. Si je ne récupère pas la marchandise que j’ai commandée, la saison va passer. Les clientes attendent déjà impatiemment.
– J’ai déjà acheté les billets.
– Je sais que tu peux gérer. Je ne peux vraiment pas venir. Je t’en supplie, va avec elle.
– Mais je voulais aller avec toi ! Nous ne faisons jamais rien tous les deux.
– N’en rajoute pas non plus !
Elle tombe lourdement dans le lit et tire les couvertures sur sa tête. Je suis juste choqué. Et je fais quoi des sexys dessous que je lui ai achetés pour ce voyage ? Elle vient de bousiller ma surprise
*****
Je m’assieds sur le lit et je prends le téléphone entre les mains. Je passe quelques coups de fil. Lorsque j’ai la confirmation de l’information que je cherchais, je me chausse et je prends les valises que je tire vers la porte. Le valet de chambre apparaît dès que j’ouvre la porte. Le billet d’avion est acheté sur mon chemin pour l’aéroport. Dans un bloc-note, je marque tout ce que j’ai à reprogrammer pour la semaine à venir.
De l’aéroport, je prends un taxi pour l’appartement situé en banlieue de la ville de Wolfsburg. Il fait un peu frais aujourd’hui. Un temps parfait pour refroidir mon esprit en ébullition. Je sonne à la porte. Inès vient ouvrir. Elle me regarde longuement sans parler.
– Bonjour, dis-je en redressant le col de mon manteau, une main sur le manche d’une de mes valises.
– Bonjour, dit-elle après quelques secondes. Tu sais qu’elle ne veut pas te voir.
– Je sais.
– Mais tu es là.
– J’ai besoin de lui parler.
– Tu ne comptes pas emménager chez moi ?!
– Je veux lui parler. C’est ton amie. Mais tu me connais. Je ne lui veux pas du mal.
– Cette affirmation n’est pas vérifiée. Entre.
– Merci.
Je manœuvre mes deux valises dans la maison sous son regard inquiet.
– Ne t’en fais pas du désordre. Mes enfants dérangent beaucoup et je ne suis pas…
– Ce n’est pas grave. Je ne vais pas faire la fine bouche quand je n’ai pas été officiellement invité.
– Au moins les choses sont claires.
– Où est-elle ?
– Elle est dans la chambre. Je ne l’ai pas vue depuis ce matin. Mais je sais qu’elle est en vie.
Je retire mon manteau et je le pose sur ma valise. Inès tchipe et le prend pour l’accrocher près de la porte. Je la suis à travers la maison dont le sol est jonché de chaussures, de jouets divers et de vêtements. Elle frappe à une porte et l’ouvre. Après un bref regard, elle me fait magistralement signe d’entrer et repart vers le salon. Je pousse la porte et je demeure interdit. La chambre est un capharnaüm incroyable. Des vêtements partout. Je reconnais bien les affaires de ma femme. Cette dernière est assise sur une chaise, le regard fixé sur le mur près de la fenêtre fermée de la chambre. Cette scène semble être tirée d’un film d’horreur.
Je marche et j’ouvre la fenêtre. Elle ne réagit pas. Je vais vers elle. Ma présence ne semble pas l’affecter. Barbra est pâle. Je ne sais si c’est dû au climat qu’elle subit depuis son arrivée en Allemagne il y a une semaine ou cette maladie dont tout le monde parle. Elle est vêtue d’un T-shirt à longues manches, d’un collant et d’épaisses chaussettes. Ses longs cheveux renvoyés du côté droit de son corps habillent sensuellement ses épaules. La pièce est froide, signe que le chauffage n’est pas allumé contrairement au reste de la maison.
Je passe la main devant ses yeux. Elle cligne des yeux.
– Que veux-tu ?
– Je voudrais te parler.
Elle baisse la tête, passe les mains sur son visage.
– Pour me dire quoi ? Je suis malade et je vais sûrement mourir.
– Je… Je ne sais pas tout de cette histoire, mais tout n’est pas encore joué. Tu peux encore guérir.
Elle pousse un petit rire. Sa main tremblante se détache de sa cuisse et se pose sur sa tête. Elle agrippe les longues mèches qui recouvrent ses épaules et tire dessus. La perruque se décroche et retombe sur le sol, abandonnée par ses doigts. Ses vrais cheveux sont tout ébouriffés. Elle y enfonce les doigts. En les ressortant, je vois bien des cheveux qui y sont accrochés. Elle regarde sa main comme s’il s’agissait d’un corps étranger. Un cri étrange s’échappe de ses lèvres et elle frappe brusquement ses pieds avec force sur le sol. Pris de panique, je pose les mains sur ses épaules. Elle s’arrête soudain et ferme sa bouche. Elle respire très fort, puis se calme peu à peu.
– J’ai essayé une fois, dit-elle d’une voix faible. J’ai essayé, Max. Mais c’est perdu d’avance.
– Ne dis pas cela. Tu peux encore…
– Tais-toi ! hurle-t-elle. Ne viens pas me raconter encore des mensonges. Tu veux endormir mon esprit, me faire croire des choses qui ne sont pas vraies. Mais je ne te laisserai pas gâcher mon moral. Le docteur. Le docteur a dit que je dois être forte. Je veux être forte ! tonne-t-elle telle une injonction. Ne viens pas me mentir.
Sa voix se meurt et elle se recroqueville sur elle-même. J’expire, dépassé par la situation. Je ne me suis pas autant senti mal depuis un moment. Je me souviens comment j’ai souffert pour la reconquérir après ma grosse bavure autour de la conception de Maureen.
Je me penche et je la porte dans mes bras. Elle n’oppose aucune résistance. Je la pose sur le lit, en repoussant les affaires qui y sont éparpillées. Je m’assieds non loin d’elle.
– Malaika, je sais que mes mots peuvent sonner creux. Mais sincèrement en ce moment, je dois être le cadet de tes soucis. Ta santé m’inquiète. Je m’inquiète vraiment pour toi. Tu ne peux pas te lever comme ça et décider que tu vas bientôt mourir. Avec qui voudrais-tu me laisser ?
Elle lève la tête et me regarde étrangement.
– Ta question est-elle sérieuse ? Te souciais-tu de moi quand…
– Je ne t’ai pas demandé d’aller fouiller dans le passé. Les enfants rebelles ont toujours une mère qui veille sur eux et les redresse. Tu n’as pas encore compris que tu es ma mère. Tu m’as fait faire des choses que même cette femme qui m’a donné la vie, encore moins une autre femme qui a traversé mon chemin, n’a pu me faire faire. Moi Max, j’éprouve du plaisir à m’occuper de mes enfants, les emmener chez le médecin, partager un repas en famille. Je sais que je dérange parfois. Mais je ne suis pas bête, Malaika. Ne me laisse pas, je te le demande pour l’amour de Dieu.
Elle me regarde, puis elle pouffe de rire. Son rire est désordonné et la pousse à une quinte de toux.
– Dieu ? Existe-t-Il vraiment ou s’est-Il fait remplacer ? Parce que je ne comprends pas que tout cela puisse m’arriver sans qu’Il n’intervienne. Il m’a toujours protégée. Mais…
Elle expire et secoue la tête.
– Je suis désormais abandonnée à moi-même.
– Tu n’es pas seule. Je me soucie de toi. Ta mère, tes sœurs, tes amies,… Nous nous inquiétons tous pour toi. Je suis là pour t’apporter mon aide. Je ferai ce que tu me diras, mais je veux que tu redeviennes la femme que j’ai épousée. Je veux te voir forte et souriante. Nos enfants n’attendent que toi. Ils te réclament.
– Max, que veux-tu ? demande-t-elle, exaspérée. Tu viens me déranger comme un mauvais esprit. Laisse-moi, je t’en prie.
– Je veux bien. Mais mon cœur ne me laissera pas en paix. Je t’ai laissé un temps pour que tu puisses faire les choses à ta manière. Mais il est plus qu’évident que tu veuilles m’écarter de ta vie. Je… je suis désolé pour le contrat de séparation de corps. Je voulais t’effrayer un peu pour que tu me reviennes entièrement et que tu te dévoues à moi. Je ne savais pas ce que tu traversais. Donne-moi une chance de te prouver que je peux mériter ta confiance. Je suis ton mari. Ton Max, j´ajoute en prenant ma main dans la sienne.
*****
Dans mon roman "DIVORCÉS DE COEUR", je parle de cette maladie, de ses effets sur nous et notre état psychologique, des problèmes que le manque de dialogue cause dans un couple.
Ce roman est la 4e partie de l'histoire DE LA HAINE À L'AMOUR, dans laquelle les soucis de fertilité sont les noeuds de deux familles.
Je vous recommande de les lire. Vous apprécierez sûrement et en sortirez grandis.
DE LA HAINE À L´AMOUR
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